Paul Vergès, Sénateur : « les arbres et les forêts sont particulièrement sensibles au changement climatique »

Paul Vergès, Sénateur de La Réunion, Président de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, est l'auteur du rapport « l’arbre et la forêt à l’épreuve d’un climat qui change ».

Quel est l’impact du changement climatique sur les arbres et la forêt ?

Paul Vergès : Le développement des arbres et forêts nécessite un cycle long (de 50 à 250 ans en moyenne) mais le changement climatique leur impose de fortes et brusques pressions. Aujourd’hui l’ère industrielle fait subir au système climatique un changement très rapide, assimilable à un choc. Les humains du 21ème siècle sont et seront spectateurs de l’impact qui en résulte sur la forêt, durant de nombreuses décennies.

L’optimum holocène (c’est-à-dire 7 000 à 9 000 ans avant notre ère) était plus chaud que le XXème siècle d’environ 2°C. Les techniques de datation permettent d’attester que la forêt méditerranéenne s’étendait alors au Nord jusqu’au confluent de la Saône et du Rhône. Inversement, lors du dernier maximum glaciaire, il y a environ 18 000 ans, alors que la température moyenne était inférieure de 4 à 5°C par rapport à celle du XXème siècle, des forêts boréales et des steppes boisées étaient implantés en basse vallée du Rhône. Ainsi, sous l’effet de l’augmentation des températures les zones climatiques favorables à certaines espèces se retrouvent déplacées plus au Nord ou plus en altitude.

 

Quelles vont être les conséquences pour la filière forêt-bois ?

Paul Vergès : La filière forêt-bois représente pour la France une richesse, dont le potentiel économique est très important mais la forêt fait face à un défi considérable. En effet, comme le rappelle le Groupe d’experts inter-gouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), dans son 5ème rapport d’évaluation (lire le rapport), l’évolution du climat risque de s’effectuer à un rythme tel que l’évolution spontanée de la plupart des espèces d’arbres ne pourra accompagner le changement des conditions météorologiques moyennes. L’expansion ou le déplacement spontané de la plupart des espèces est très lent, compte tenu du cycle de croissance des arbres. Les forêts sont souvent découpées en domaines relativement petits pour des raisons géographiques, climatiques ou historiques. Elles seront d’autant plus vulnérables que leur aire d’expansion est réduite.

 

En quoi la forêt protège-t-elle des effets du changement climatique ?

Paul Vergès : La forêt française couvre 30 % du territoire et rend de nombreux services à nos sociétés. En prélevant l’équivalent de 15 % des émissions annuelles nationales de CO2, elle joue un rôle crucial dans la régulation de l’évolution du climat.

 

 

Quels sont les défis de la COP21 pour les forêts ? 

Notre responsabilité est incontestablement de passer à l’action pour assurer que les 9 à 10 milliards d’humains qui peupleront la planète au milieu du XXIème siècle vivront en harmonie avec leurs forêts. Cela sera possible seulement si nous sommes capables de nous mobiliser pour une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre. Cet effort, s’il est suffisamment ample, réussira à contenir l’évolution du climat, le stabilisant à un niveau d’équilibre acceptable pour les activités humaines et pour la biodiversité.

Au-delà de l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre – qui demeure la plus haute priorité -, l’action consiste aussi à évaluer le potentiel d’adaptation de nos forêts, afin de se préparer à les gérer différemment, au moment nécessaire.