Timothée Boitouzet, Woodoo : « nous avons conçu le bois du futur : imputrescible, plus rigide, mais aussi translucide ! »

Architecte de formation, Timothée Boitouzet a fait plusieurs années de recherches à Harvard et au MIT (Massachusetts Institute of Technology) pour reconstruire le bois à l’échelle moléculaire et en faire le matériau le plus performant du XXIème siècle. Avec sa start-up Woodoo, Timothée Boitouzet a reçu le prix « Innovateur de l’année 2016 » de la prestigieuse MIT Technology Review.

Pourquoi avoir choisi le bois comme matériau d’étude ?

Timothée Boitouzet : Depuis mon enfance, j’ai toujours été passionné par le bois. Lors de mes études d’architecture à l’université de Kyoto (Japon), j’ai découvert cette ville de bois et souhaité consacrer mes recherches au développement de ce matériau pour lui conférer de nouvelles propriétés et dépasser sa condition périssable intrinsèque. Ce travail m’a poussé aux Etats-Unis, à l’université d’Harvard où j’ai pu combiner mon travail sur le bois avec les sciences naturelle à travers un partenariat avec le département de biologie moléculaire d’Harvard et le Media Lab du Massachusetts Institute of Technology. J’ai ensuite ramené cette innovation en France, breveté le matériau et fondé la start-up Woodoo pour assurer son développement.

Le bois est un enjeu majeur pour construire les villes de demain : c’est en effet le seul matériau de construction qui soit 100% renouvelable et neutre en carbone. De manière plus large, c’est même le seul matériau de construction qui pousse tout seul. Aujourd’hui en France, 50% du bois qui pousse chaque année est inutilisé. Ce stock disponible est largement constitué d’essences dites non-nobles comme du peuplier, du tremble, qui sont des essences trop périssables pour être utilisés dans l’industrie du design, de la construction, ou de l’aménagement. Mon objectif est de donner une nouvelle vie à ces essences, valoriser le patrimoine forestier français, et participer à la ville bas carbone de demain toutes industries confondues, à l’heure ou le secteur de la construction génère aujourd’hui plus de 30 millions de tonnes d’émission de CO2 en France chaque année.

 

En quoi votre bois bionique est-il innovant ?

Timothée Boitouzet : Ce bois dépasse les contraintes intrinsèques au bois pour en faire un matériau ultra-performant. Il est imputrescible, plus résistant au feu, plus rigide que le bois d’origine, et son aspect esthétique qui lui permet d’être valorisé dans de multiples industries. Toutes les essences de bois peuvent être transformées en bois translucide ! Cela permettrait de valoriser les ressources françaises inexploitées et de développer une sylviculture diversifiée, s’intégrant dans le plan forêt innovation 2025, cher au Ministère de l’agriculture, qui vise à revitaliser la filière forêt-bois par l’innovation. Notre procédé se fonde aussi sur une logique d’économie circulaire qui nous permet de revaloriser des composés extraits du bois (lignine) et transformés en composants à haute valeur ajoutée, réduisant nos coûts de production.

Comment est-il fabriqué et avez-vous prévu d’utiliser du bois certifié ?

T.B : Notre matériau breveté commence par extraire la lignine du bois, puis le matériau est infusé de monomères biosourcés (biomasse) qui viennent se lier de manière spécifique à l’intérieur de la structure pour créer un bois haute performance à l’aspect inédit. Nous valorisons le « made in France » et les cycles courts de production, de transformation et de distribution. Nous avons ainsi prévu d’utiliser des bois locaux et certifiés

Quel est le potentiel de développement de Woodoo ?

T.B : À court terme, nous planifions de nous développer sur les segments du design, du luxe et du mobilier qui sont directement accessibles pour nous. Dans un horizon de deux ans nous nous déploierons sur le marché du bardage, l’aménagement intérieur et extérieur. Enfin à plus long terme, nous prévoyons de nous développer sur le marché de la construction bois, pour la production de structures porteuses en bois massif.-

 

Retrouvez une intervention de Timothée Boitouzet sur L’ÉCHAPPÉE