Entretien avec Jean-Francois Guilbert, managing director de FrenchTimber

Depuis 2001, l’association FrenchTimber assure la promotion des sciages et produits bois français sur les marchés internationaux. Son action repose sur deux piliers. Tout d’abord, de promouvoir l’utilisation des différentes essences et des produits transformés provenant de la gestion durable des forêts françaises. Son intervention vise aussi à faciliter l’approvisionnement en bois des entreprises étrangères en augmentant la visibilité de l’offre et du savoir-faire des industries françaises. FrenchTimber valorise les scieries et entreprises françaises de la filière forêt-bois certifiées PEFC.

Quels sont les débouchés asiatiques des produits bois français ?

La Chine est le 1er marché asiatique de la France. Viennent ensuite le Vietnam, la Malaisie, le Japon l’Indonésie et la Thaïlande.

Depuis 2005, la Chine est le 2ème pays importateur de bois, après les Etats Unis. Ces importations se font sous forme de sciages mais également de grumes. Ces produits permettent à la Chine de faire face à sa forte demande intérieure, mais aussi d’approvisionner ses unités de transformation en vue de réexporter des produits sciés ou transformés vers l’Union européenne et les Etats-Unis.

De janvier à septembre 2012, la France a exporté vers la Chine 137 939 m3 de grumes de résineux, 66 784 m3 de grumes de chêne, 55 440 m3 de grumes de hêtre. Les essences feuillues françaises, principalement le chêne et le hêtre, sont utilisées par les entreprises asiatiques de l’ameublement et de l’agencement intérieur. Les essences résineuses françaises alimentent le coffrage, la construction, et une partie de l’ameublement (les meubles de moyenne gamme et le placage).

 

Quelles sont les débouchés et spécialisations des différents pays asiatiques et leurs perspectives d’évolution ?

  • La Chine est le 1er producteur mondial de meubles et de parquets. Alors que ce pays était traditionnellement considéré comme l’usine du monde, on note depuis la crise de 2008 une très forte réorientation des grands groupes vers une commercialisation en Chine même. Avec une économie qui continue de progresser grâce à la demande intérieure, ces usines sont de moins en moins dépendantes des marchés européens et américains. On peut citer par exemple le groupe Markor qui réalise aujourd’hui 50 à 60% de leur chiffre d’affaires à l’exportation, contre 100% il y a 5 ans. C’est un point positif car cela limite la réexportation de produits transformés sur nos marchés nationauxLes besoins de la Chine en bois continueront d’influencer pendant longtemps les marchés internationaux et la Chine va rester un grand client de la filière bois. La hausse de la demande en Amérique du Nord va par ailleurs favoriser les exportations de sciages européens, à des prix plus attractifs.
  • On assiste par la même occasion à des changements majeurs liés à l’augmentation du coût du travail en Chine et en Asie du Sud-Est. Des usines sont délocalisées vers des centres de production à moindre coût ou plus proche de la matière première. Des pays comme le Vietnam, la Thaïlande et l’Indonésie bénéficient de ces capitaux et deviennent d’importantes places de commerce. Les exportateurs français doivent suivre le mouvement et développer leurs ventes dans ces zones.

  • Il n’existe pas à proprement parler de spécialisation des pays mis à part lorsque la ressource locale favorise l’émergence de secteurs comme le meuble de jardin en Indonésie et au Vietnam. Sinon on retrouve dans tous ces pays des secteurs comme l’ameublement, la fabrication de parquets, de portes. Ces usines commencent par utiliser la ressource locale puis passent à l’importation de bois quand celle-ci ne peut plus répondre à la demande ou bien quand les marchés consommateurs demandent des essences spécifiques.
  • L’Inde est un marché a part, très peu porté sur la réexportation de produits finis. La demande en essences tempérées est donc moins sujette aux besoins du consommateur final occidental mais plus à une logique de prix et de disponibilité.

Quelles sont les essences européennes demandées en Asie ?

Depuis plus de 20 ans, la France exporte majoritairement des bois feuillus sur la Chine. Cette tendance s’est également développée sur les autres marchés asiatiques depuis une dizaine d’années. Cela s’explique principalement par la demande des usines locales qui réexportent des produits transformés répondant à une demande européenne constante.

Le chêne est redevenu l’essence reine de l’exportation depuis 2002. La demande des fabricants de meubles, de parquet constitue le principal moteur des ventes. La ressource locale chêne étant limitée voire inexistante dans de nombreux pays asiatiques, le recours à l’importation est massif.

Le hêtre, après la période catastrophique de 2001 à 2005, retrouve une progression constante en volume. Considéré désormais comme un bois industriel, c’est une alternative aux différents bois locaux dont les prix sont en augmentation comme le rubberwood ou le mahogany. Il est cependant fortement concurrencé par d’autres alternatives comme le chêne rouge américain, le peuplier, ce qui contribue à une stagnation des prix.

Depuis un an, la demande se porte également sur les résineux. Alors que, jusqu’à récemment, le Japon était le principal marché français, la hausse de la consommation aux Etats-Unis s’accompagne d’un basculement des flux mondiaux : la demande étant en augmentation en Asie et l’Amérique du nord se retirant du marché, les acheteurs se retournent vers l’Europe pour s’approvisionner en sapin, pin et douglas. Ces bois sont essentiellement utilisés en coffrage mais également en menuiserie, ameublement et aménagement extérieur.

 

Quelle est la reconnaissance de la certification PEFC sur les marchés asiatiques ?

Il y a environ 550 chaînes de contrôle PEFC sur le Japon, la Chine et la Malaisie, dont 160 chaînes de contrôle en Chine. PEFC accompagne le développement de ces marchés par des bureaux locaux, notamment en Chine et au Japon. En Malaisie, plus de 4,6 millions d’hectares de forêt sont certifiés PEFC. La certification PEFC est installée et soutenue par le gouvernement, ceci dans tous les secteurs de la transformation du bois.

Face aux dizaines de milliers d’usines non certifiées en Asie, PEFC a une place à prendre mais il est urgent d’engager des actions locales pour promouvoir, expliquer et accompagner les usines vers PEFC.

 

Quelle est la valeur ajoutée des sciages certifiés PEFC sur ces marchés ?

Même si la mise en place du RBUE (Règlement Bois de l’Union Européenne) a fait beaucoup de bruit en Asie, la filière bois asiatique ne fait pas forcément le rapprochement avec les systèmes de certification existants. Le système PEFC offre une partie de la solution mais n’est pas obligatoire vis-à-vis de l’importation de produits finis en Europe.

Afin d’assurer une plus-value aux utilisateurs, PEFC doit donc continuer à travailler sur la promotion de sa marque auprès des grands distributeurs et s’implanter localement en Asie. La promotion de la certification forestière n’est qu’une partie de la chaine qui doit trouver son aboutissement dans la commercialisation de produits issus de forêts gérées durablement.

 

Quel type de collaboration French Timber a-t-il engagé avec PEFC ?

FrenchTimber et les entreprises adhérentes (scieurs et transformateurs) font la promotion du système PEFC car cela représente un atout pour notre filière. Nous avons invité par le passé PEFC International à nous accompagner sur des actions spécifiques dont un cycle de conférence en 2011 en Indonésie et une présence sur un salon en Chine. FrenchTimber et PEFC France travaillent de manière concertée pour permettre aux entreprises françaises qui le souhaitent de valoriser leur certification PEFC auprès de leurs clients asiatiques.

Nous insistons vraiment sur la mise en place de bureaux PEFC locaux qui seuls permettront de se rapprocher des transformateurs vietnamiens, indonésiens, chinois et ainsi assurer une meilleure promotion de la marque PEFC. Enfin, dans un futur proche, j’espère que FrenchTimber et PEFC France pourront mettre en place une représentation en Asie afin d’agir de manière complémentaire aux actions menées par PEFC International. Nous avons déjà discuté d’un projet commun en Indonésie ou Vietnam en fonction de l’évolution de PEFC dans ces pays.