« Regards croisés » sur l’équilibre forestier

Retrouvez l'équilibre forestier vu par Antoine d’Amécourt – Président de Fransylva et membre du 1er collège – Caroline Berwick – Déléguée générale adjointe de la Fédération Nationale du Bois et membre du 2ème collège – et Hervé Le Bouler, Responsable Forêts de France Nature Environnement, membre du 3ème collège et Vice-Président de PEFC France.

« L’implication de tous les acteurs dans la recherche permanente du consensus », telle est la mission du Programme de Reconnaissance des Certifications Forestières (PEFC) inscrite dans ses statuts dès 1999. Une mission qui prend racine dans la création de PEFC et s’exprime avec une gouvernance unique, basée sur la transversalité pour permettre l’implication de tous les acteurs de la forêt : propriétaires forestiers, entreprises, usagers de la forêt et associations de protection de l’environnement. Nous sommes allés à la rencontre de ces acteurs pour qu’ils nous livrent ce que l’équilibre forestier signifie pour eux.

PEFC : PEFC s’attache à préserver l’équilibre forestier. Pourquoi cette démarche est-elle incontournable aujourd’hui ?

ANTOINE D’AMÉCOURT (Fransylva) : nous sommes face à un vrai paradoxe. D’un côté, les Français souhaitent consommer de plus en plus des produits en bois mais d’un autre côté, ils ne veulent plus voir d’arbres coupés sur leur territoire. Cette situation pousse à ce que nous importions la très grande majorité des bois que nous consommons. La gestion durable des forêts nous oblige collectivement à nous projeter sur un temps long et c’est une bonne nouvelle dans une société de l’immédiateté.

HERVÉ LE BOULER (FNE) : actuellement, on demande aux forêts de régler les problèmes climatiques. Alors forcément, tout le monde se demande comment vont les forêts. La recherche d’un équilibre forestier permet de se demander plutôt ce que les forêts peuvent accepter ou non et comment faire pour répondre à la fois aux besoins de consommation et au respect de la nature.

CAROLINE BERWICK (FNB) : l’équilibre forestier est un prérequis pour tous les acteurs de la filière. Toutes les entreprises ont un rôle à jouer dans la gestion durable des forêts.
Exploitants forestiers, scieries, entreprises de construction, négoces de matériau bois…nous sommes tous mobilisés pour une gestion et utilisation raisonnée de la ressource bois.

PEFC : la forêt fait face à de nombreux défis et se trouve au cœur de l’actualité médiatique avec les feux de forêts ou les scolytes par exemple. Quel rôle joue PEFC pour apporter des solutions à ces menaces ?

CAROLINE BERWICK (FNB) : ces menaces nécessitent de dialoguer et de trouver des solutions durables compatibles avec les attentes de chacun. Grâce à PEFC, les entreprises peuvent échanger avec les autres acteurs de la filière ou de la société civile pour respecter l’équilibre multifonctionnel de la forêt. Mais ces rencontres sont également l’occasion d’aborder des opportunités pour tous : circuits courts, densification de l’habitat urbain ou
matériaux durables au cœur des préoccupations des entreprises liées au secteur du bois. Et on ne s’arrête pas là quand on fait partie de PEFC puisqu’il est important de faire la pédagogie de la sylviculture auprès du grand public car elle est encore trop souvent stigmatisée.

HERVÉ LE BOULER (FNE) : plus globalement, je dirai que nous sommes dans une situation complexe où à travers les forêts, ce sont la société et même la planète qui sont menacées. Dans ce contexte où nous pouvons légitimement commencer à perdre espoir, ne pas rester isolés est la clé pour garantir la santé collective des arbres. Il est donc indispensable que les associations de protection de la nature soient présentes dans les débats sur la forêt. Grâce à PEFC, c’est possible. Sa capacité à rassembler est vraiment unique.

ANTOINE D’AMÉCOURT (Fransylva) : malgré de grands problèmes sanitaires dus probablement à l’évolution du climat, la forêt française se porte mieux qu’on peut parfois l’imaginer. Mais avec ses 136 essences d’arbres différentes en France, la forêt a un besoin vital d’être gérée durablement afin de conserver son identité. PEFC y contribue aux côtés des propriétaires forestiers. C’est grâce à cette bonne gestion que la forêt française est si belle et si singulière.

PEFC : dans la gestion durable des forêts, il y a le mot « durable ». Quelle place accordez-vous à la sensibilisation de la jeunesse et à la transmission, en tant qu’administrateur de PEFC ?

ANTOINE D’AMÉCOURT (Fransylva) : il faut au moins 3 générations pour produire un chêne. La formation des jeunes générations est donc un enjeu majeur si on ne veut pas perdre tout ce que nous avons mis tant de temps à construire. Beaucoup de forestiers font de la gestion durable sans le savoir. Mais les standards PEFC facilitent le passage de flambeau entre les générations ou propriétaires, grâce à des documents formalisés qui favorisent le suivi du plan de gestion des forêts avec des objectifs de gestion durable. Cette approche oriente les prochaines générations sur les actions à mener sur les parcelles.

CAROLINE BERWICK (FNB) : les jeunes générations ne connaissent pas forcément le fonctionnement de la forêt et la culture sylvicole. Pourtant, une grande partie de la population est très attachée aux arbres. C’est même une forme d’amour de la part à la fois du grand public qui s’y promène et des forestiers qui s’en occupent. Sensibiliser toutes les générations permet donc de reconnecter l’ensemble de la société aux préoccupations des forestiers et vice-versa.

HERVÉ LE BOULER (FNE) : j’ajouterai que la forêt devient le symbole de la nature dans l’imaginaire collectif. À ce titre, la forêt est l’affaire de tous et chacun doit donc s’en préoccuper !